Pour accélérer la transition vers la neutralité carbone, les acteurs financiers doivent repenser et optimiser les stratégies d’investissement et d’accompagnement des entreprises. Dans cette démarche, la donnée climatique joue un rôle crucial. Noémie Klein, CEO and Chief Impact Officer d’Asset Impact, nous explique comment son entreprise facilite l’accès à une donnée granulaire, indépendante et transparente au secteur de la finance afin de mieux soutenir la transition écologique.
Dans la continuité des rapports publiés par le GIEC autour de l’urgence climatique, l’enjeu collectif est de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C et d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Le montant global des investissements nécessaires est aujourd’hui estimé à près de 9 trillions par an jusqu’en 2050.
Dans cette transition, les institutions financières ont un rôle critique à jouer. Les banques, les gestionnaires d’actifs, les assurances et les fonds de pension, notamment, ont besoin de bien comprendre les entreprises dans leurs portefeuilles pour mieux évaluer les risques et opportunités climatiques, flécher leurs investissements et accompagner les entreprises dans leurs efforts de décarbonation.
Dans ce contexte, le cœur de métier d’Asset Impact est justement de mettre à disposition de ces acteurs financiers des données détaillées, comparables et prospectives sur les entreprises et les actifs physiques qu’elles détiennent, pour leur permettre de développer une meilleure compréhension et visibilité de la composition de leurs portefeuilles financiers et de leur impact dans l’économie réelle. Aujourd’hui, nous travaillons avec de nombreux acteurs bancaires en France, comme la Société Générale ou encore BNP Paribas, et à l’international avec Barclays, HSBC, ING ou encore BBVA, ainsi qu’avec des investisseurs comme MassMutual.
Asset Impact, qui emploie près de 25 personnes, fait partie du groupe GRESB, référence en matière de benchmark ESG pour les investissements en immobilier et en infrastructure.
Asset Impact collecte des données sur plus de 336 000 actifs physiques, essentiellement des sites industriels et des actifs mobiles, de 11 secteurs (énergie, transport, industrie lourde…) et relie ces actifs à plus de 66 000 entreprises dans le monde entier. Nos données couvrent les entreprises (cotées, non cotées, publiques, joint-ventures, etc.) responsables de plus de 75 % des émissions globales de gaz à effet de serre.
Pour chacun de ces actifs, tels qu’un parc éolien ou une usine de production automobile, Asset Impact est en mesure de fournir des informations sur leur localisation, leur structure actionnariale, l’année de mise en service et l’année prévue de fermeture, leur production et, bien évidemment, leurs émissions de gaz à effet de serre passées, présentes et futures. Nous consolidons ensuite ces informations au niveau de chacune des entreprises liées à ces actifs.
Afin de fournir ces données à nos clients, nous nous appuyons sur divers métiers complémentaires structurés autour de pôles de compétences. Nous avons ainsi un pôle dédié à la R&D. Dans le cadre de notre activité, nous avons opté pour une approche dite « asset based » qui s’appuie sur des données dérivées des actifs physiques. Cette approche est unique, les acteurs du marché et autres fournisseurs de données s’appuyant encore majoritairement sur des données agrégées communiquées par les entreprises elles-mêmes. Les données divulguées par les entreprises sont hétérogènes, chaque entreprise utilisant sa propre méthodologie de collecte des données et de calcul, alors que les hypothèses utilisées ne sont pas toujours explicitées. Notre approche apporte de la comparabilité entre les entreprises et de la transparence, deux aspects importants dans notre secteur.
En parallèle, nous menons de nombreuses recherches pour étendre notre couverture sectorielle d’actifs physiques. Nous développons également d’autres méthodologies de consolidations financières et de calcul des émissions d’actifs de secteurs supplémentaires, et nous nous penchons sur d’autres sujets urgents tels que la protection de la biodiversité. Asset Impact est le fruit des recherches d’un think tank, et l’approche scientifique ainsi que les partenariats avec des universités et organismes de recherche restent au cœur de notre approche.
Notre second pôle se concentre sur les produits, c’est-à-dire la donnée, les indicateurs, les analyses que nous mettons à disposition des acteurs financiers. Concrètement, nos « produits » prennent notamment la forme de données brutes liées aux entreprises et d’analyses accessibles en fichier Excel ou directement sur notre plateforme en ligne.
On retrouve bien évidemment aussi chez Asset Impact tous les métiers de la data, des data analysts, des data scientists, des data engineers et des front-end développeurs, qui travaillent à l’optimisation continue de notre base de données, contribuent à la production et la livraison de nos données aux clients, ainsi qu’à la gestion de notre plateforme. En plus, nous avons une équipe chargée d’acquérir de la donnée chez différents fournisseurs ou directement sur le web, ainsi qu’une équipe qui va gérer le volet juridique afin de sécuriser les négociations autour des licences commerciales pour l’achat et la vente des données.
Enfin, nous avons aussi des ressources dédiées au business development, à la commercialisation et au marketing.
En effet, les acteurs financiers utilisent ces données pour calculer l’empreinte carbone de leur portefeuille ainsi que l’alignement de celui-ci avec la trajectoire carbone « net zéro », évaluer leur exposition aux actifs émetteurs détenus par les entreprises et les plans de transition de celles-ci, ou encore pour déterminer des objectifs de décarbonation de leur portefeuille. Dans ces démarches, Asset Impact met à leur disposition des données indépendantes afin de compléter, questionner et confronter leurs propres données dans une logique d’optimisation du pilotage de leurs portefeuilles et, in fine, de leur impact sur les transitions en cours.
Dans un contexte de forte pression réglementaire et du durcissement des exigences, notamment celles de l’Autorité bancaire européenne au titre du pilier 3 pour les risques ESG ou encore la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), nos données sont également utilisées par les entreprises pour répondre aux nouvelles obligations de reporting ou de divulgation d’information sur le climat. Nous collaborons, d’ailleurs, avec les banques centrales et les autorités de supervision financière pour améliorer ces différents processus.
Au lancement d’Asset Impact, il y a déjà plus de 5 ans, nous travaillions essentiellement avec les départements RSE autour de la production de leurs rapports annuels de développement durable ou climat. Alors que les institutions financières gagnent en maturité sur ces sujets et replacent ces questions au cœur de leurs préoccupations stratégiques, nos interlocuteurs ont changé. De plus en plus, nous travaillons avec les départements de gestion des risques, le front office qui est en charge de la relation client…. Cette évolution s’explique aussi par le fait que les acteurs financiers ont pris conscience que ce sujet impacte toute leur organisation et qu’ils doivent donc l’appréhender de manière collective et globale.
À ce niveau, notre enjeu est de mettre à leur disposition des données toujours plus précises, transparentes et indépendantes afin qu’ils puissent les intégrer dans leur cœur de métier.
L’obligation réglementaire autour du reporting extra-financier a vocation à faciliter la prise d’action climatique et environnementale. Pour se mettre en conformité, les acteurs financiers, à l’instar de tous les secteurs et les entreprises concernées, vont devoir mobiliser des ressources, des infrastructures et mettre en place des méthodologies et des processus. En notre qualité de fournisseur de données, notre rôle qui vont faciliter et améliorer ce travail de reporting, notamment dans le cadre des règlementations précédemment mentionnées. Cette dimension représente donc une véritable opportunité business pour Asset Impact.
Asset Impact découle du think tank 2° Investing Initiative (2DII) qui travaille à l’alignement du secteur financier avec l’Accord de Paris et qui, dans ce cadre, a lancé il y a quelques années un projet de recherche pour aider les institutions financières à évaluer l’alignement de leur portefeuille avec les trajectoires bas carbone. À cette époque, c’était encore un sujet totalement inédit pour le secteur de la finance qui avait essentiellement accès à des données communiquées par les entreprises, des données agrégées qui ne pouvaient pas être rapprochées ou comparées. Le fruit de ces recherches a permis de créer la première base de données « asset-based » globale ainsi et l’outil gratuit et open source PACTA (Paris Agreement Capital Transition Assessment). Asset Impact a vu le jour dans cette continuité pour mettre ces données à disposition du marché. La recherche de plus de granularité, de comparabilité et de transparence se poursuit actuellement. Les récentes réglementations en la matière viennent légitimer notre approche et confirment la nécessité d’avoir accès à des données qui reflètent la réalité sur le terrain afin de mieux piloter et monitorer la performance extra-financières des entreprises et, in fine, mettre en place les bonnes stratégies et actions en retour notamment en termes de réduction des émissions. En tant que fournisseur de données, notre mission première et notre ambition sont d’étendre la couverture de nos données pour accompagner les acteurs financiers dans les différents aspects de la transition, et de leur proposer des outils qui leur permettent de se concentrer sur leur cœur de métier, le financement de la transition.
This interview was originally published in La Jaune et La Rouge 798, October 2024 (the École Polytechnique Alumni magazine). It has been reproduced here with permission.